15 juillet 2024
Parce que l’on a tendance à penser que seule l’entreprise est responsable du bien-être de ses collaborateurs. Il est bon de rappeler que le salarié a aussi un rôle à jouer ! Patricia Perles-Duguet, médecin généraliste au CIAMT fait le tour de la question en apportant nuances et éclairages sur le bien-être au travail.
Je vais reprendre la définition de l’INRS (Institut National Recherche et de Sécurité). Elle explique que le bien-être au travail tient compte des contraintes et du plaisir que l’on a à faire sa mission. C’est en quelque sorte un équilibre dynamique entre les satisfactions que l’on retire de son travail et les contraintes subies. Le bien-être au travail n’exclut pas les exigences demandées par l’employeur mais le plaisir doit prendre le dessus. Bien sûr, ces contraintes ne sont pas que mentales comme on a tendance à se l’imaginer actuellement dans les entreprises du tertiaire. Il faut aussi prendre en considération les contraintes physiques. L’environnement professionnel, évidemment. Mais on ne résout pas la question du bien-être au travail en installant des plantes et une salle de sport.
L'ergonomie du poste de travail, l’exposition aux risques chimiques, le management de proximité…voilà les vraies préoccupations !
Évidemment, tout dépend du métier exercé. Par exemple, en usine, il y a les questions de santé et de sécurité qui se posent en plus du plaisir à faire son travail. Cela est en effet une attente commune à tous les postes. C’est important de dire aussi que le salarié est acteur de son travail. C’est aussi à lui de se réaliser dans son métier. L’entreprise est un soutien mais pas une finalité à l’épanouissement !
On entend aussi beaucoup le besoin de préserver sa vie personnelle et puis de travailler dans un environnement professionnel bienveillant. Souvent les salariés sont très sensibles au fait d’entretenir un relationnel positif avec leur équipe, leurs collègues et leur hiérarchie. Se répète aussi beaucoup le sujet de la reconnaissance et du respect pour les tâches accomplies. Paradoxalement, la rémunération est rarement abordée en entretien avec la médecine du travail, ce n’est pas la priorité.
Globalement, on peut dire que ce qui a changé depuis quelques années, c’est la difficulté pour le salarié à accepter les contraintes liées au travail. Au moment du Covid, il y a une distance qui s’est créée entre le salarié et son employeur. Parallèlement, un rapprochement entre le travailleur et sa vie privée s'est installé. Il y a eu beaucoup de demandes de maintien du télétravail à 100 % après le confinement. Cela a développé un délitement du collectif de travail donc ce n’est pas souhaitable de poursuivre dans cette voie.
Pour ce qui est de la santé et la sécurité au travail, légalement l’employeur est responsable. Il est en effet tenu par une obligation de résultats. Le burn-out compte parmi les accidents du travail aujourd’hui, ce ne sont pas que des chutes ou des impacts physiques.
“Au moment du Covid, il y a une distance qui s’est créée entre le salarié et son employeur pour installer un rapprochement entre le travailleur et sa vie privée”
L’ancienneté et le taux de turn-over. On regarde aussi beaucoup le nombre et la durée des arrêts maladie, ainsi que les inaptitudes et les aménagements de postes lorsque le salarié rencontre des contraintes physiques. Par exemple, lorsqu’il y a un diagnostic de troubles musculo-squelettiques (TMS), celui-ci est très souvent associé aux risques psychosociaux.
Le premier document de référence sur lequel on travaille conjointement avec les entreprises est le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUER) par unité de travail. Il y a un volet “risques psychosociaux” sur lequel la médecine du travail intervient pour aider l’employeur dans l’élaboration de sa politique de bien-être au travail. Nous avons une équipe pluridisciplinaire, notamment des psychologues, qui accompagne l’employeur dans la prévention des risques psychosociaux. Pour rédiger ce document, nous prenons le “pouls” de l’entreprise en discutant avec les partenaires sociaux, les managers, les collaborateurs. On s’intéresse au déséquilibre en vie professionnelle et vie personnelle, à la charge de travail, à l'accessibilité de la stratégie de l’entreprise. Suite à ces constats, on organise, en concertation collective, des débriefings qui débouchent sur des solutions organisationnelles. Des actions concrètes comme la formation des managers de proximité qui ont un rôle délicat dans l’entreprise, sur la gestion de leur stress et de celui de leurs équipes sont aussi mise en place.
Une démarche de prévention est une démarche organisée, suivie et planifiée avec un point annuel et tout changement dans l’entreprise déclenche la mise à jour du document unique.
Il y a deux postes d’observation, individuelle et collective. Concernant la première, pour un travailleur en souffrance, nous faisons des études de postes et observons les conditions de travail. Seulement, ce n’est pas suffisant. La médecine du travail a aussi besoin de connaître l’entreprise dans sa globalité parce que l’on peut rencontrer un cas isolé ou alors se rendre compte que plusieurs salariés sont concernés par une situation de mal-être au travail. Pour l’approche collective, on regarde les moyens de prévention mis en œuvre par l’employeur, là encore le DUER est un appui. On échange avec le service des ressources humaines pour savoir comment l’employeur mesure le bien-être au travail dans son entreprise. Fait-il des études ou des baromètres, organise-t-il des formations pour ses employés etc. ? L’outil PADOA nous permet de saisir les données des salariés une fois qu’ils ont répondu à notre questionnaire de pré-visite. Cet outil nous sert à analyser le vécu au travail et avoir une meilleure connaissance de la qualité de vie en milieu professionnel des employés dans une entreprise et déceler une problématique de bien-être au travail. Ces données factuelles et objectives sont très importantes pour nous, nous avons besoin de nous détacher du ressenti des collaborateurs.
En conclusion, il faut garder en ligne de mire que salariés et employeurs sont co-responsables de leur relation.
Il y a un collectif de travail dans lequel s’intégrer, construire des échanges positifs, communiquer, trouver des solutions ensemble... Tout cela fait partie de l’engagement au travail que l’on a validé lors de la signature de notre contrat.