De l'endométriose à la ménopause, en passant par l'allaitement : des thématiques féminines longtemps reléguées au second plan prennent désormais place au cœur des préoccupations des entreprises. En conversation avec le Dr. Lejoyeux, médecin du travail au Ciamt, nous explorons les enjeux et les stratégies à adopter pour tenir compte et surmonter les conséquences de ces réalités parfois accablantes. Décryptage.
Dr. Lejoyeux : L'endométriose est une maladie fréquente autour de laquelle il existe encore malheureusement quelques tabous. Cela concerne approximativement 1 femme sur 10 en âge de procréer. Cette pathologie se caractérise par l'apparition de tissus semblables à ceux de la muqueuse utérine et qui se développent sur d'autres organes : ovaires, vagin, vessie... Cela entraîne des symptômes variables en fonction des femmes, tels que des douleurs aiguës en période de règles ou en dehors des menstruations. Il peut y avoir également des symptômes digestifs associés ou une fatigabilité accrue. Autant de symptômes qui affectent le quotidien des femmes dans leur vie privée et parfois à plus forte raison dans leur vie professionnelle.
Il s'agit effectivement d'un sujet relativement nouveau ; du moins dans la société, parce que la découverte de l'endométriose remonte à la fin du 19e siècle. Les connaissances scientifiques autour de cette maladie restent d’ailleurs encore à approfondir, notamment au sujet du développement de la pathologie et de ses causes. Pour autant, les choses évoluent dans le bon sens ! Il existe désormais un réseau de praticiens, de médecins généralistes et de gynécologues spécialisés sur le sujet.
Oui, et de plus en plus. La parole se libère et de ce fait l’information, les connaissances sur le sujet circulent davantage. Les entreprises comprennent maintenant que s’emparer de ces sujets est souhaitable, autant pour la santé de leurs salariées que pour celle de l’entreprise. La première chose à faire est donc d’être à l’écoute de ses salariées, parce que les symptômes peuvent différer d’une femme à l’autre. Il faut être attentif à leurs besoins pour mettre en place les mesures adaptées afin de garantir les bonnes conditions de travail, réduire l’absentéisme et le turn-over et prévenir ainsi la désinsertion professionnelle.
Premièrement, les employées doivent se sentir écoutées, soutenues, sans pour autant bien sûr devoir évoquer la pathologie. Tout dépend de leur choix.
Puis, en concertation avec la direction, le service RH, les managers et les médecins du travail du Ciamt, les entreprises peuvent adapter les conditions de travail et faire des aménagements de différentes natures selon la situation. Cela peut passer par :
D’autres aménagements sont possibles :
Il s’agit souvent de dispositions simples à mettre en place mais qui offrent un accompagnement de qualité pour les salariées. Cela se fait au cas par cas.
En fonction des situations, il existe la possibilité de déposer une demande de RQTH - Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé - auprès de la Maison Départementale des Personnes dites Handicapées (MDPH). Il faut préciser que cette reconnaissance est souvent délivrée de façon temporaire. La salariée est libre d'en parler ou non à l'employeur, sans forcément évoquer la pathologie en cause bien sûr. Il s'agit ici de favoriser la mise en place d'aménagements spécifiques, par le biais d'aides financières pour l'employeur par exemple. Cette reconnaissance peut aussi faciliter les formations ou reconversion professionnelle, si la salariée le souhaite.
Pas à ce jour, non. Il y a eu un projet de loi déposé en ce sens en avril 2023, qui prévoyait la possibilité de bénéficier d'un arrêt de travail de deux jours par mois, sans délai de carence. Mais il a été rejeté par le Sénat. Pour autant, cela a permis de sensibiliser les entreprises sur cette mesure et plusieurs d’entre elles le proposent tout de même à leurs salariées aujourd’hui.
Sur la question de l'allaitement, il y a des dispositions réglementaires qui doivent être appliquées en entreprise (2). Les femmes ont le droit d'allaiter leur enfant au cours de leur journée de travail jusqu’à 1 heure par jour et durant une année.
Pour ce faire, les employeurs doivent prendre certaines dispositions. Celles-ci diffèrent en fonction des effectifs de l'entreprise :
La considération de l’allaitement est fondamentale, sachant que 30% des mères maintiennent l'allaitement après leur retour au travail (3). Reste à savoir si elles seraient plus nombreuses si elles bénéficiaient de conditions mieux adaptées.
Les choses progressent mais la communication auprès des employeurs et des salariées reste primordiale. Pour cela, nous organisons des réunions collectives en entreprise, des webinaires et nous en discutons également dans le cadre des consultations en santé au travail avec les salariées, et lors de nos échanges avec les employeurs.
De plus en plus d’employeurs comprennent la nécessité et l'intérêt pour l'entreprise d'accompagner les femmes sur ces sujets. Celles qui souffrent d'endométriose doivent pouvoir bénéficier d'aménagements dans l'organisation du travail - via le télétravail par exemple - celles qui allaitent doivent être en mesure de pouvoir le faire sur leur lieu de travail et les femmes en phase de ménopause doivent également pouvoir bénéficier d'un suivi adapté si elles en ressentent le besoin.
Pour tous ces sujets, être à l’écoute et instaurer de la flexibilité dans l'organisation s'avère indispensable pour les salariées et pour le bon fonctionnement de l'entreprise.
Sources
(1) OMS - 24 Mars 2023
(2) Service Public - Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre) Conditions de travail dans le secteur privé - "Une salariée peut-elle allaiter pendant les heures de travail ?" Février 2024
(3) Réseau PERINAT - Allaitement et retour au travail