8 octobre 2024
Lorsque l’état de santé d’un salarié se dégrade, cette situation déstabilise le collaborateur comme son employeur. Par pudeur ou crainte de perdre son emploi, il arrive que le salarié n’alerte pas sa direction. Et inversement. Par peur d’être trop intrusifs, collègues et managers ne savent pas comment s’emparer de la situation, pour éviter qu’elle ne dégénère. Pour mieux comprendre le rôle de chacun, nous avons interrogé Mounir Ghedbane, médecin du travail au CIAMT. Il met l’accent sur l’importance de communiquer sur le champ des possibles lorsque l’on parle du maintien en emploi.
Le maintien dans l’emploi a toujours été vu sous un angle individuel. Parce qu’il y a une atteinte de l’état de santé du salarié. Ce qui impacte ses capacités de travail de façon durable, mais on oublie souvent que l’approche collective est primordiale. L’entreprise est le premier acteur du maintien dans l’emploi ET en emploi.
Elle est tenue de tout mettre en œuvre pour éviter la désinsertion professionnelle de son salarié. En lui proposant un aménagement de son poste de travail, des aides à la formation ou un reclassement professionnel au sein de son organisation ou dans une autre entreprise pour assurer sa place dans le monde du travail.
En général, les premiers indices sont
Ces signaux peuvent être difficiles à décrypter. Ils nécessitent parfois des conversations intimes qu’il n’est pas toujours évident de mener.
Souvent, le salarié essaye de camoufler sa situation. Les signes qu’il envoie sont donc non-verbaux et demandent un temps d’observation supplémentaire. Pourtant, le repérage précoce par le collectif de travail est essentiel dans le maintien en emploi pour éviter que la situation ne se dégrade. Lorsqu’un membre de l’équipe du salarié remarque un changement de comportement, il peut en informer son supérieur hiérarchique. S’il s’en sent capable, il peut suggérer son aide, proposer une conversation dans un cadre qui respecte la confidentialité. Il peut sinon le rediriger vers des acteurs relais. Comme le médecin du travail, le service de santé au travail ou une cellule de prévention du maintien de l’emploi. Encore faut-il en être informé.
Pour aborder des sujets complexes à la limite de la sphère personnelle comme le pensent beaucoup, les collaborateurs doivent se sentir, eux-mêmes, soutenus par leur hiérarchie. Ils doivent connaître la politique de l’entreprise en matière de prévention sur la désinsertion professionnelle, afin de se sentir légitime d’intervenir. Libérer la parole, aller vers la personne sont des actes qui nécessitent que la politique de l’entreprise soit affichée, opérationnelle et ancrée dans la culture d’entreprise. Sinon le sujet de la désinsertion professionnelle reste tabou.
Le salarié est au cœur du dispositif du maintien en emploi et d’un écosystème d’acteurs facilitateurs. Cette information doit absolument être connue du collaborateur. Non seulement pour sa santé mais aussi parce que son employabilité est en jeu.
Malheureusement aujourd’hui, on relève encore beaucoup de problématiques d’accès et de lisibilité aux droits du salarié au sein de l’entreprise. La prise de conscience de l’atteinte de son état de santé peut lui demander du temps. Plus il se sait entouré, aussi bien dans sa vie professionnelle que personnelle, plus sa prise en charge sera effective avec une connaissance des moyens mis à sa disposition.
Une fois que le salarié a une idée du champ des possibles pour éviter la désinsertion professionnelle, l’horizon s’élargit. Il se trouve dans une nouvelle dynamique pour entreprendre des démarches, telles que la reconnaissance de qualité de travailleur en situation de handicap, la préparation de son retour à l’emploi ou l’implication dans un projet de transition professionnelle.
En 2009, le CIAMT a créé la Cellule Maintien en Emploi (CME) qui est un dispositif dédié à la prévention de la désinsertion professionnelle et destiné aux salariés des entreprises adhérentes. Une équipe pluridisciplinaire au sein du CIAMT se mobilise pour lui proposer un accompagnement personnalisé avec différentes étapes. Elles passent par l’identification des besoins à la concrétisation du plan d’action impliquant des modifications des conditions de travail. Le but est de s’assurer que la situation du salarié s’oriente vers une solution devienne pérenne et qu’il reprenne confiance dans l’exercice de ses fonctions.
Nous intervenons sur trois niveaux de prévention : primaire, secondaire et tertiaire concernant le maintien en emploi.
La prévention primaire permet, tout simplement, d’anticiper les risques professionnels. Cela en améliorant les conditions de vie au travail d’un salarié ! Afin de réduire notamment l’usure professionnelle, les accidents du travail ou les troubles musculo-squelettiques.
La prévention secondaire consiste à sensibiliser sur les signaux faibles et le repérage précoce de la dégradation de l’état de santé. Ce type de prévention s’accompagne aussi d’un travail de coordination et de concertation. Entre la direction, le manager et le salarié pour s’assurer de son maintien en emploi le plus longtemps possible.
Le troisième niveau de prévention sensibilise sur la façon d’éviter une rechute ou l’aggravation de l’état de santé du salarié remettant plus sérieusement en cause son employabilité et en renforçant le dispositif d’accompagnement de l’entreprise. Notamment avec la Cellule Maintien en Emploi du CIAMT.