Transformer le défi des TMS en opportunité : l’éclairage du Docteur Otelia Szabo Gay

Les troubles musculosquelettiques (TMS) font partie intégrante de notre environnement de travail. Ils peuvent avoir des causes multiples. Le bien-être des salariés et l'efficacité au travail s’en trouvent forcément impactés. Allant de simples douleurs à des affections plus complexes, ces maux exigent une attention particulière.  Le Docteur Otelia Szabo Gay, médecin du travail depuis plus de 10 ans, nous livre ses conseils pratiques pour mieux comprendre et prévenir les troubles musculosquelettiques au travail.

Pourriez-vous nous expliquer ce que sont les troubles musculosquelettiques (TMS) et pourquoi ils représentent un enjeu majeur pour les environnements de travail ?

Les troubles musculosquelettiques (TMS) sont des affections qui touchent les muscles, les tendons et parfois les nerfs. Ils surviennent habituellement dans le cadre d'un déséquilibre entre les capacités physiques du corps et les sollicitations ou les contraintes qu’on rencontre sur son lieu de travail, ou parfois dans la vie privée. Les TMS entraînent une incapacité à mener son objectif professionnel correctement. Cela a forcément des répercussions sur le collectif. Lorsqu'un collaborateur est atteint de TMS, le reste de l’équipe va devoir compenser ce déficit si cette problématique n’est pas traitée à temps.

Les TMS ont donc un impact réel sur la productivité des entreprises et le bien-être des employés ? Pouvez-vous nous en dire plus ?

Oui, puisqu'au-delà de la souffrance personnelle qui est réelle et qui doit être prise en charge, c’est le collectif, donc l’entreprise qui va être impactée. Mon expérience en tant que médecin du travail m’a amené à la conclusion suivante : si plusieurs individus ont des difficultés à atteindre leurs objectifs en raison des TMS, cela va avoir des répercussions sur le collectif de travail. Tous les salariés vont se retrouver avec une surcharge d'exécution des tâches. Cela va créer du stress et augmenter le risque d’apparition des troubles musculosquelettiques. L'absentéisme est l’une des conséquences les plus observées depuis l’émergence et l’explosion des cas de TMS. Malheureusement, cela ne peut avoir qu’un effet néfaste sur la productivité.

À votre avis, quelles sont les causes principales de l'émergence des TMS dans les milieux professionnels actuels ?

C'est une synergie de causes multiples. Néanmoins, je dirais que le facteur principal de l’augmentation des TMS est l'évolution de notre société. Nous avons augmenté notre cadence tout en gardant le même niveau d’exigences. D’autre part, une personne qui présente des TMS peut déjà avoir des maladies qui favorisent ce type de troubles. Par exemple, une maladie chronique. Il y a aussi les facteurs biomécaniques, soit l'environnement ou encore la répétition fréquente des tâches, comme le port de charges lourdes. Autre cas de figure, si vous travaillez dans le froid, dans le bruit, avec un manque d'éclairage, vous sollicitez bien plus votre corps. D’autre part, nous savons aujourd’hui que travailler sous la pression, nous pousse à sur-solliciter nos articulations…

Pouvez-vous nous donner des conseils pratiques pour prévenir l'apparition des TMS au sein des espaces de travail ?

Posez-vous des questions régulièrement sur l’activité professionnelle ! Qu’est-ce que le travail réellement ? Quelle est la différence entre les tâches prescrites et la réalité du terrain ?  Comment cela se met en place ? Il peut nous arriver de prescrire une tâche sans prendre en compte toutes les conditions dans lesquelles salariés/collaborateurs doivent atteindre leurs objectifs. Prenons un exemple : si vous travaillez dans un environnement bruyant, vous êtes sursollicité. Parfois, un bon éclairage nous donne un meilleur confort visuel. Ce que l’on considère parfois comme un détail peut s’avérer être un élément déterminant du bien être au travail. Côté management, repenser les délais de rendu et envisager une marge de manœuvre est vivement recommandé. C’est le meilleur moyen d’éviter les TMS et de les identifier pour agir. Des solutions existent, ce n’est pas une fatalité !

Avez-vous des exemples d'exercices simples que les employés peuvent réaliser pour diminuer le risque de TMS ?

Lors des visites médicales, notre rôle est de faire de la prévention et d'insister sur l’importance de se soigner et de prendre soin de soi. Ainsi, si vous ne traitez pas votre diabète ou vos problèmes de thyroïde, cela va avoir des effets négatifs sur l’organisme de façon globale qui vont, de fait, impacter vos capacités de travail. Notre rôle en tant que service de santé au travail est d'identifier et de prévenir ces risques en conseillant les employés. Certaines  études montrent toutefois les bénéfices de certains étirements que l’on peut faire avant sa prise de poste pour préparer les articulations et les muscles.

Pourriez-vous partager avec nous une ou deux histoires inspirantes d'entreprises qui ont mis en place des initiatives réussies pour réduire les cas de TMS parmi leurs employés ?

Au CIAMT, nous sommes toujours à l'écoute des employeurs et des spécificités de leurs entreprises. Lorsqu'un employeur nous sollicite, pour nous c'est une réussite. Notre travail de prévention a fonctionné. Selon moi, il n'y a pas une solution unique adaptée pour tous les secteurs d’activité et à tous les types d’entreprises. Par exemple, nous travaillons de façon très régulière avec plusieurs hôtels parisiens et nous savons que les femmes de chambre peuvent être sujettes aux TMS au vu des gestes répétitifs qu'elles doivent exécuter. Nous essayons alors d’identifier ensemble les facteurs sur lesquels il est possible d’intervenir. Le but étant d’opter pour une organisation plus ciblée, du matériel adapté ou des horaires de travail aménagés.

Justement, nous avons tourné une vidéo au Shangri-La (dont vous êtes le médecin du travail) qui a mis en place des lèves-lits pour prévenir les TMS de son personnel de ménage, pouvez-vous nous raconter votre collaboration ?

Lors de notre collaboration avec la direction du Shangri-La, nous avons eu un rôle de conseillers. Nos échanges ont permis d’installer une relation de confiance solide. Ainsi nous avons pu accompagner la direction et les salariés étape par étape, dans cette transition voulue et pensée.

Découvrez cette initiative en vidéo au Shangri-La

Quel type de soutien et de services le Ciamt offre-t-il aux entreprises pour les aider à mettre en place des stratégies de prévention des TMS ?

Nous mettons à disposition notre équipe pluridisciplinaire pour offrir à nos adhérents, des interventions adaptées aux spécificités de leur entreprise. 

Notre équipe est composée : 

  • d’ergonomes, 
  • de psychologues du travail. 
  • d’assistants en santé au travail,
  • de techniciens qui peuvent réaliser des mesures de métrologie et nous donner des éléments objectifs sur l'environnement de travail au sein de l’entreprise. 

Nous pouvons également mobiliser notre pôle toxicologique. 

Nous proposons des  séances de sensibilisation en présentiel ou à distance, sur la diminution des risques professionnels. Les sujets varient : port de charges lourdes, sensibilisation aux risques psychosociaux…

Pour finir, quels messages clés souhaiteriez-vous adresser aux employeurs et aux employés concernant la prévention des troubles musculosquelettiques (TMS) au travail ?

Mon message aux employeurs est simple : questionnez-vous sur les conditions de travail des salariés. Quelle est leur véritable activité ? De quoi a-t-on besoin pour réaliser les objectifs du collectif ? En réfléchissant à leur environnement de travail, vous identifierez les facteurs de risque et de fait, serez en mesure d’agir efficacement. Selon moi, c’est un travail d’évaluation continue. Le monde du travail évolue, tout comme les demandes des clients. Des changements s’opèrent aussi au sein des entreprises. Certaines personnes arrivent, d’autres repartent. Le travail est en constante évolution ! Au CIAMT, notre rôle d’expert est d’accompagner les entreprises et les salariés vers une transformation de leur environnement de travail.